La Femme noyée


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La Femme noyée.

Je ne suis pas de ceux qui disent : Ce n'est rien : 
C'est une femme qui se noie. 
Je dis que c'est beaucoup; et ce sexe vaut bien 
Que nous le regrettions, puisqu'il fait notre joie. 
Ce que j'avance ici n'est point hors de propos, 
Puisqu'il s'agit en cette Fable, 
D'une femme qui dans les flots 
Avait fini ses jours par un sort déplorable. 
Son Epoux en cherchait le corps, 
Pour lui rendre, en cette aventure 
Les honneurs de la sépulture. 
Il arriva que sur les bords 
Du fleuve auteur de sa disgrâce 
Des gens se promenaient ignorant l'accident. 
Ce mari donc leur demandant 
S'ils n'avaient de sa femme aperçu nulle trace : 
Nulle, reprit l'un d'eux; mais cherchez-la plus bas; 
Suivez le fil de la rivière. 
Un autre repartit : Non, ne le suivez pas; 
Rebroussez plutôt en arrière. 
Quelle que soit la pente et l'inclination 
Dont l'eau par sa course l'emporte, 
L'esprit de contradiction 
L'aura fait flotter d'autre sorte. 
Cet homme se raillait assez hors de saison. 
Quant à l'humeur contredisante, 
Je ne sais s'il avait raison; 
Mais que cette humeur soit, ou non, 
Le défaut du sexe et sa pente, 
Quiconque avec elle naîtra 
Sans faute avec elle mourra, 
Et jusqu'au bout contredira, 
Et, s'il peut, encor par-delà.