L'Huître et les Plaideurs


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L'Huître et les Plaideurs.

Un jour deux Pèlerins sur le sable rencontrent 
Une Huître que le flot y venait d'apporter : 
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent; 
A l'égard de la dent il fallut contester. 
L'un se baissait déjà pour amasser la proie; 
L'autre le pousse, et dit : Il est bon de savoir 
Qui de nous en aura la joie. 
Celui qui le premier a pu l'apercevoir 
En sera le gobeur; l'autre le verra faire. 
- Si par là on juge l'affaire, 
Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon, Dieu merci. 
- Je ne l'ai pas mauvais aussi, 
Dit l'autre, et je l'ai vue avant vous, sur ma vie. 
- Eh bien! vous l'avez vue, et moi je l'ai sentie. 
Pendant tout ce bel incident, 
Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge. 
Perrin fort gravement ouvre l'Huître, et la gruge, 
Nos deux Messieurs le regardant. 
Ce repas fait, il dit d'un ton de Président : 
Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille 
Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille.

Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui; 
Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles; 
Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui, 
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.