Rien de trop


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Rien de trop.

Je ne vois point de créature 
Se comporter modérément. 
Il est certain tempérament 
Que le maître de la nature 
Veut que l'on garde en tout. Le fait-on? Nullement. 
Soit en bien, soit en mal, cela n'arrive guère. 
Le blé, riche présent de la blonde Cérès 
Trop touffu bien souvent épuise les guérets; 
En superfluités s'épandant d'ordinaire, 
Et poussant trop abondamment, 
Il ôte à son fruit l'aliment. 
L'arbre n'en fait pas moins; tant le luxe sait plaire! 
Pour corriger le blé, Dieu permit aux moutons 
De retrancher l'excès des prodigues moissons. 
Tout au travers ils se jetèrent, 
Gâtèrent tout, et tout broutèrent, 
Tant que le Ciel permit aux Loups 
D'en croquer quelques-uns : ils les croquèrent tous; 
S'ils ne le firent pas, du moins ils y tâchèrent. 
Puis le Ciel permit aux humains 
De punir ces derniers : les humains abusèrent 
A leur tour des ordres divins. 
De tous les animaux l'homme a le plus de pente 
A se porter dedans l'excès. 
Il faudrait faire le procès 
Aux petits comme aux grands. Il n'est âme vivante 
Qui ne pèche en ceci. Rien de trop est un point 
Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point.