Le Renard et la Cigogne


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Le Renard et la Cigogne.

Compère le Renard se mit un jour en frais, 
et retint à dîner commère la Cigogne. 
Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts : 
Le galant pour toute besogne, 
Avait un brouet clair; il vivait chichement. 
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette : 
La Cigogne au long bec n'en put attraper miette; 
Et le drôle eut lapé le tout en un moment. 
Pour se venger de cette tromperie, 
A quelque temps de là, la Cigogne le prie. 
Volontiers, lui dit-il; car avec mes amis 
Je ne fais point cérémonie.
A l'heure dite il courut au logis 
De la Cigogne son hôtesse, 
Loua très fort la politesse, 
Trouva le dîner cuit à point : 
Bon appétit surtout; Renards n'en manquent point. 
Il se réjouissait à l'odeur de la viande 
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande. 
On servit, pour l'embarrasser, 
En un vase à long col et d'étroite embouchure. 
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer, 
Mais le museau du sire était d'autre mesure. 
Il lui fallut à jeun retourner au logis, 
Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris, 
Serrant la queue, et portant bas l'oreille. 
Trompeurs, c'est pour vous que j'écris : 
Attendez-vous à la pareille.

jmA