L'Avantage de la science


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L'Avantage de la science.

Entre deux Bourgeois d'une Ville 
S'émut jadis un différend. 
L'un était pauvre, mais habile, 
L'autre riche, mais ignorant. 
Celui-ci sur son concurrent 
Voulait emporter l'avantage : 
Prétendait que tout homme sage 
Etait tenu de l'honorer. 
C'était tout homme sot; car pourquoi révérer 
Des biens dépourvus de mérite? 
La raison m'en semble petite. 
Mon ami, disait-il souvent 
Au savant, 
Vous vous croyez considérable; 
Mais, dites-moi, tenez-vous table? 
Que sert à vos pareils de lire incessamment? 
Ils sont toujours logés à la troisième chambre, 
Vêtus au mois de Juin comme au mois de Décembre, 
Ayant pour tout Laquais leur ombre seulement. 
La République a bien affaire 
De gens qui ne dépensent rien : 
Je ne sais d'homme nécessaire 
Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien. 
Nous en usons, Dieu sait : notre plaisir occupe 
L'Artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe, 
Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez 
A Messieurs les gens de Finance 
De méchants livres bien payés. 
Ces mots remplis d'impertinence 
Eurent le sort qu'ils méritaient. 
L'homme lettré se tut, il avait trop à dire. 
La guerre le vengea bien mieux qu'une satire. 
Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient. 
L'un et l'autre quitta sa Ville. 
L'ignorant resta sans asile; 
Il reçut partout des mépris : 
L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle : 
Cela décida leur querelle.

Laissez dire les sots; le savoir a son prix.